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Quand l’art contemporain investit le Louvre

publié par F. L.-Z. le 4 juillet 2008

Pendant trois ans il eut le privilège de méditer, s’absorber dans la solitude des mardis en traversant les salles du Louvre dévolues à l’École du Nord, une trentaine de salles. En contrepoint, il propose ses installations. Une des premières et des plus plaisantes, qui d’ailleurs fait l’affiche, est la statuette dorée d’un agneau comme sorti du triptyque voisin, une Descente de Croix du XIVe Siècle ; toutefois l’agneau porte un chapeau pointu de carnaval, fête traditionnelle du Nord, et un nœud papillon, symbole d’une promesse de résurrection (je vous donne la recette). Jouant sur son patronyme, homonyme de celui du célèbre entomologiste Jean-Henri Fabre, il a rassemblé des milliers d’élytres mordorés de coléoptères
d’Indonésie et en recouvre un cercueil, une baignoire-sabot, une sphère écho du nimbe du Christ devant un tableau flamand représentant la Cène. Des rondelles d’os humain assemblées forment la silhouette d’un moine de Bruges ou d’un ange suspendu. L’autoportrait de Jan Fabre est omniprésent, en dessin de moine pendu, en sculpture de gamin bagarreur, en gisant recouvert de punaises dorées, pointe en l’air, velouté très particulier, ou encore en lombric de plusieurs mètres dont il a la tête émergeant d’un amoncellement de pierres tombales neuves qui portent le nom de poètes flamands anciens ou contemporains. Ces pierres occupent toute la surface de l’immense salle où les tableaux de Rubens racontent la vie de Marie de Médicis. Des pigeons noirs et des rats en verre de Murano occupent la corniche de l’escalier Lefuel.

Au long des salles, on est surpris, amusé, choqué, interdit... Le circuit habituel du public commence par la Joconde et se poursuit par la longue galerie des peintres italiens. L’École du Nord est le plus souvent déserte malgré ses chefs-d’œuvre. Les « dialogues » de Jan Fabre invitent à la découverte de La Dentellière et de L’Astronome de Vermeer, de La Vierge du chancelier Rolin de Jan Van Eyck, de L’Annonciation de Rogier van der Weyden, de La Bohémienne de Frans Hals, de Bethsabée et autres chefs-d’œuvre de Rembrandt, des portraits de Van Dyck...

Les émissions de France Culture se déroulèrent en public et en direct dans la cour Marly du Louvre. Autour de ces fantasmes réalisés, on entendit des réticences ou à l’instar de la responsable de l’exposition Marie-Laure Bernardac, de l’enthousiasme. À l’émission Du grain à moudre, on a évoqué le budget culturel sans cesse rétréci, la misère de nombreux musées de province, réflexion qui s’imposait devant la dépense supposée de cet Ange de la métamorphose malgré un certain mécénat.

Il me plaît de rappeler que la plupart des musées offre des circuits adaptés aux visiteurs, adultes ou enfants d’âges divers. Il y eut cette année une expérience de longue haleine avec des classes de 6e du collège Van Gogh de Clichy-la-Garenne. Les jeunes sont venus sept fois au Louvre et ont traduit, en ateliers leurs impressions en dessins, découpages, collages, bricolages... Ils ont été exposés très peu de temps dans un mezzanine trop discret, on pouvait voir une Vénus de Milo en robe du soir, des momies en peluche, un portrait redécoupé de Jean le Bon, de surprenantes tablettes cunéiformes... La démarche parallèle à celle de Jan Fabre a étonné l’équipe réceptive du Louvre et plusieurs expériences vont être programmées l’an prochain. Les classes de Clichy appartenaient à des milieux défavorisés, ce qui avait déterminé la démarche des enseignants. Je ne peux m’empêcher de penser à la menace qui pèse sur plusieurs postes et aux crédits peau de chagrin.


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