L’exposition des photographies de Willy Ronis à La Monnaie en est une belle illustration dans sa magie noire et blanche, les gamins en galoches et capuchons, les écoliers en tablier noir, le monde de la fête foraine, le monde du travail aussi, les escaliers de Belleville. Selon la désannonce, on pouvait encore attendre une émission un peu semblable, j’ai eu un début d’années sixties, imbuvables, on aurait dit rock !... Le 8 août, « La Gaule et ses idées reçues » de Michel Goudinot fut rafraîchissante, comme toutes les retransmissions des rencontres de Pétrarque. Le 13 août, on a parlé d’un chanteur, acteur, peut-être américain, son nom me fut inaudible, je ne le saurai jamais. J’ai parfois envie de dire : mais comment l’écrivez-vous ?
Côté Comédie Française, Olivier Barrot présentait Andrew Sewering (à l’orthographe près !). Ce fut un bonheur, je fus fort attentive ; j’avais vu cet acteur il y a quelques années, je ne sais plus, au théâtre ou au cinéma, et j’avais aussitôt pensé : c’est le Prince André de « Guerre et Paix ». Que Mel Ferrer me pardonne. L’entretien était des plus instructifs. Question : Comment entrer en scène sans avoir l’air de venir banalement des coulisses ? La question me plaît, elle n’est pas banale, j’imagine la silhouette de l’acteur avec la décontraction et le visage si bien appropriés que l’on ne s’y trompe pas, on sait d’où il vient. C’était un entretien très vrai, très authentique. Stéphane Deligeorge a présenté avec sa compétence et sa clarté habituelles le destin et la carrière scientifique de Vicq d’Azir, anatomiste précieux et aussin médecin de Marie Antoinette.
La retransmission des cours des lundis du Collège de France est une initiative de France Culture que nous remercions. On a entendu Michel Onfray expliquant clairement les idées de Freud et récemment Henri Laurens sur l’Islam à l’étranger. Rappeler aujourd’hui deux évidences que bien des voyageurs connaissent : on peut se promener sans crainte à n’importe quelle heure dans les rues de Damas ou du Caire avec plus de sécurité que dans les villes d’Amérique du Nord. Certains petits gouvernants devraient bien écouter France Culture (vœux pieux du 15 août). De temps en temps, comme des nuées de sauterelle, il y avait une invasion Sagan, troublant mes repères d’émissions et d’horaires, on est libre de tourner le bouton.
Le 14 août, j’ai reconnu la voix de Philippe Sollers avec son vocabulaire précieux et a désinvolture. Il parlait de ses femmes, il les comptait, elles ont marqué sa vie, ce sont des repères. S’enchaîna en continuité une émission dans laquelle un brave éleveur comptait ses moutons, la radio devenait surréaliste ; le brave homme, peut-être de Corse, ou de Corrèze ou de Bretagne, Ruth Stegassy ne le révélait pas ; cet homme avait suivi les conseils du vétérinaire en faisant vacciner ses brebis, qui ne furent pas atteintes de la « tremblante », mais accouchèrent d’agneaux mort-nés. Impasse des scientifiques. Comme l’émission de Monsieur Sollers, les illustrations musicales de concertos de violoncelle apaisaient la journée ; je me souvenais du passage aux Midis d’Orsay du jeune et charmant scandinave Andréas Brantelid. Comme les morceaux de violoncelle se poursuivaient et que Sollers n’en était plus à une femme près, j’ai cru qu’il allait évoquer Lise Cristiani, cette violoncelliste virtuose, née à Paris en 1827, qui partit courageusement en Sibérie en 1849 après les nombreux succès remportés à Saint Petersbourg. Passionnée, elle donna une série de concerts de Ptropavlosk à Okhotsk, elle succomba à une épidémie de choléra en 1853. La ville de Kazan éleva une statue à l’artiste « française » (nous l’avons bien oubliée). Dans sa correspondance, elle soulignait toute la chaude hospitalité qu’elle avait reçu des Kalmoukes, des Bouriates, des Chinois, des Kirghiz, des Toungouses… (tous les voyous d’aujourd’hui).
L’été n’est pas tout-à-fait fini, les pluies, les orages n’auront pas manqué, mais on a la voix d’Olivier Danré retrouvé pour les malheurs du Pakistan, les incendies de Moscou, les glissements de boue des provinces chinoises, ce sont les années 2010.
Je veux encore signaler « Les Grands Débats » du 16 août avec Philippe Meyer sur la politique culturelle, évidence qu’il n’y a pas de possibilité pour que s’expriment les créativités, l’Etat n’en a cure, les mécènes vont au devant du succès en permettant à n’importe quel pantin des jeux ou variétés passés sur le petit écran de se faire publier, de passer sur les planches ou dans un film. Vulgarité, en avant toute ! Messieurs les compagnies-mécènes à odeur de pétrole ou autres. J’ai quand même capté quelques entretiens de Roman Polanski, les cinémas du Quartier Latin seraient bienvenus de programmer quelques uns de ses films.
Du dimanche 22 à 0h10 au lundi 23 à 1h51, un homme parle, raconte sa vie, celle de sa famille ; est-il écrivain, peintre, étranger, marocain, espagnol, pakistanais ?... On ne le saura pas. Deux heures de bafouillages qui mettent les nerfs en pelote. De quoi parle-t-on ? Enfin ensuite une demie heure claire avec Jeanne Martin Vaché sur Edgar Varèse. On peut se coucher avec deux heures de bouillie indigeste sur l’estomac. Où est la clarté d’autrefois ?
Les nantis d’Internet ont pu se faire une autre couverture de jolis patchworks bien choisis. Une vraie politique culturelle permettra un jour l’accès de tous à Internet.
Bonne fin d’été à tous.