I – DES DEBUTS COMBATTANTS : 1984 – 1990
Notre association a été constituée en 1984. Le prétexte en fut la suppression d’une émission « Le monde contemporain » animée par Jean de Beer et Francis Crémieux. Il s’agissait de personnalités d’opinions politiques opposées qui dialoguaient dans une ouverture d’esprit que les auditeurs appréciaient. Les producteurs en question ont, à l’antenne, fait appel aux auditeurs, les conviant à un déjeuner le 11 mai 1984. Les participants ont alors considéré qu’il était important de se manifester, que l’opinion des auditeurs avait un certain poids et qu’il leur fallait constituer une association.
Le 19 septembre 1984, le premier président, Monsieur Brillot, est élu à main levée à la Sorbonne, en présence de producteurs de France Culture et l’association est officiellement déclarée le 22 octobre 1984. Les axes de son action sont le soutien critique à la chaîne, une meilleure qualité d’écoute et l’organisation de rencontres entre auditeurs ainsi qu’entre auditeurs et producteurs. Elle s’en donne les moyens en organisant une permanence téléphonique et en se dotant d’un bulletin. Elle rencontre le directeur Jean-Marie Borzeix le 19 février 1985. En juin de la même année, lors de la première Assemblée Générale l’Association des Auditeurs de France Culture compte 400 membres et élit Monique Bavière comme présidente.
De nouvelles disparitions d’émissions inquiètent l’association, telles que celle du « Cinéma des Cinéastes » de Claude-Jean Philippe, d’autant que des menaces pèsent sur l’existence même de la chaîne. C’est pourquoi l’aafc intervient auprès de députés et de divers hommes politiques qui nous assurent qu’ils tiennent à France Culture et que France Culture sera maintenue.
Pour maintenir le contact entre auditeurs et les producteurs, nous organisons en 1985 et 1986 des déjeuners-rencontres avec Bertrand Jérôme, Olivier Germain-Thomas, ainsi qu’avec Thierry Garcin et Dominique Rousset qui animent « Les Enjeux Internationaux ».
En 1986, un nouveau président est élu, Monsieur Jacques Robert, et nous décidons de contacter la presse pour déplorer son peu d’intérêt pour la radio et nous mobiliser sur les problèmes de réception. En avril 1987, un colloque est donc organisé par l’aafc à la Sorbonne autour des problèmes de réception avec des techniciens de T.D.F., de l’I.N.A. et de Radio France. On y expose les problèmes d’émetteurs, de puissance qui reposent sur des enjeux financiers dont le service technique est conscient.
En mars 1988, Jean-Marie Piot est élu président ; il restera sept ans à la tête de l’aafc. Notre inquiétude va à l’amputation des crédits de France Culture au profit de France Info, alors même que stagnent ceux de Radio France. Pour accroître notre audience, nous décidons d’accorder chaque année un prix à un producteur, de constituer une revue de presse, d’organiser des discussions sur Minitel et de poursuivre la facilitation des échanges de cassettes. En 1989, le prix des auditeurs est attribué à Jacques Duchateau pour Panorama, en 1990 à Alain Finkielkraut, en 1991 à Patrice Gélinet, en 1992 à Jean Lebrun, en 1993 à Eliane Contini, en 1994 à Olivier Germain-Thomas, en 1995 à Antoine Spire, en 1996 à Francesca Piolot, en 1997 à Emmanuel Hirsch, en 1998 à Michel Cazenave.
Les premières remises de prix sont l’occasion d’articles dans la grande presse qui font connaître toujours davantage l’association.
En 1989, le président Piot est reçu par le directeur du cabinet de Madame Tasca, ministre de la Communication d’alors. Il lui demande une représentation de l’association au Conseil d’Administration de Radio France, à titre consultatif bien entendu, mais cette demande est rejetée. Cependant, notre action va connaître une série de succès importants au cours des années suivantes.
II - LES PREMIERES AVANCEES : 1990 – 1995
Notre président Jean-Marie Piot est réélu en 1990 et l’association prend son essor. Il se trouve qu’une longue grève frappe Radio France, touchant également France Culture. Hasard ou conséquence, les crédits alloués à Radio France sont en augmentation. L’association y voit un signe positif et interpelle Le Monde qui nous décrivait comme un simple club d’utilisateurs de cassettes. Jean-Marie Piot leur rappelle que le but de l’association est de préserver l’identité et la spécificité de la chaîne, comme il l’est toujours aujourd’hui. Afin de fourbir nos arguments nous lançons une enquête sur les qualités de réception, la durée et la périodicité de l’écoute.
En novembre 1991 notre assemblée générale se déroule en présence de Laurence Bloch, collaboratrice de Jean-Marie Borzeix qui a toujours soutenu l’association. Comme nous déplorons autant que lui le peu de place accordé par la presse aux critiques radiophoniques, et le manque de mise en valeur de France Culture dans ses colonnes, nous multiplions nos contacts avec la presse. Et ces contacts vont nous permettre d’approfondir notre action.
En 1992 Olivier Villey, qui n’est pas encore président, profite d’une émission en public de Jean Lebrun pour parler de notre association ; Jean Lebrun interroge à son tour Alain Finkielkraut et Patrice Gélinet qui prennent position. L’association accroît également son audience à travers l’émission de Marie-Paule Vettes « Le temps de se parler » qui nous amène des adhérents.
Alarmés par des rumeurs d’introduction de la publicité sur France Culture, nous décidons de nous intéresser aux montants de la redevance et à la non compensation des multiples exonérations accordées par l’Etat. Pour ce faire, notre conseil d’administration rencontre des députés chargés des questions de radio à la Commission des affaires culturelles. Ceux-ci nous écoutent favorablement et donnent l’assurance qu’ils vont soutenir l’absence de publicité et le maintien de la spécificité de France Culture. Deux bonnes nouvelles se succèdent : une fréquence est attribuée aux auditeurs du nord-est de Paris qui rencontraient des difficultés à capter la station, et la redevance augmente de 4,5% pour 1993. Cependant, la part de France Culture dans le budget total de Radio France diminue.
Forte de ces premiers résultats, l’association redouble d’efforts. En octobre 1992 nous rencontrons le Sénateur Jean Cluzel, auteur d’un rapport sur la situation de l’audiovisuel. Il considère que la place de la culture dans notre audiovisuel est d’une faiblesse inquiétante. Considérant que le programme des nuits de France Culture permet de comparer les émissions d’aujourd’hui à celles du passé et, par les archives, de faire connaître à la jeunesse des pans de la culture en voie d’abandon, nous déjeunons avec Jacques Fayet qui est chargé de leur programmation. Nous multiplions nos contacts avec d’autres associations telles que « Les cahiers d’histoire de la radio » ou « Espaces radiophoniques » et avec les auditeurs. En 1993, grâce à Jean-Marie Borzeix, l’association est accueillie au Salon du Livre sur le stand de France Culture, nous permettant ainsi d’échanger avec de nombreux producteurs et de nombreux auditeurs. Dans le même esprit nous augmentons notre audience en participant systématiquement aux émissions « Le Pays d’ici ». L’émission restait une semaine entière dans une région, en en approfondissant les particularités historiques, culturelles, politiques. Prévenant nos adhérents à l’avance, nous leur permettions de participer et de nouer des contacts entre eux et avec de nouveaux adhérents.
En 1995, notre président Jean-Marie Piot cède sa place à Monique Bavière, qui avait déjà été présidente. Des contacts sont pris avec Olivier Lacroix et Emmanuel Hirsch chargés des Relations Extérieures de France Culture. Une très bonne nouvelle clôt cette année 1995 : « La semaine de Radio France » est éditée, permettant la publication détaillée des programmes pour les quelques six millions d’auditeurs occasionnels de France Culture, et telle que nous la réclamions depuis longtemps.
Toutes ces années, nous avons instauré la tradition de nos rendez-vous-déjeuners avec les producteurs de France Culture : Jacques Fayet, « Les Nuits » ; Hélène Baconnet, « Fréquence buissonnière » ; Gérard-Henri Durand, « Le Quatrième coup » ; Pascale Charpentier, « Permis de construire » ; André Velter, « Poésie sur parole » ; Philippe Dohy, « Terrain vague ».
Toujours avides de rencontres nous invitons nos adhérents à se réunir le premier mardi de chaque mois au Café de Cluny, là-même où Jean Lebrun faisait ses émissions en public, grâce à Solange Pasdeloup qui en organise l’animation.
La période entre 1990 et 1995 fut fertile en événements, nous permit d’engranger de notables succès et beaucoup d’adhérents. Mais la culture est un combat de tous les instants et de nouveaux défis nous attendaient…
III - NOUVELLES MENACES 1996-99
En novembre 1995, Jacqueline Charliac succède à Monique Bavière et Jean-Marie Borzeix lui fait part des menaces de restrictions budgétaires. De plus, la fréquence 93.9 qui permettait depuis fin 1992 aux auditeurs du nord-est parisien d’entendre à peu près France Culture, semble devoir être reprise.
Davantage encore, Michel Boyon qui vient de succéder à Jean Maheu à la tête de Radio-France, nous transmet par l’intermédiaire de son conseiller Daniel Boudet des propos plus qu’inquiétants. Lorsqu’il nous reçoit, Monsieur Boudet nous dit que France Culture est la radio la plus chère du monde car, selon lui, elle coûte 400 millions de francs, pour 400.000 auditeurs. Nous lui rappelons que Médiamétrie ne comptabilise que les auditeurs qui écoutent France Culture chaque jour. Or, la spécificité de France Culture fait que ceux-ci ne représentent que 10% des auditeurs qui écoutent chaque semaine plusieurs émissions qu’ils suivent fidèlement. Nous ajoutons que Jean-Marie Borzeix vient de recevoir le prix Unesco de la meilleure radio culturelle, et que l’audience stricto sensu, c’est à dire mesurant le nombre des auditeurs quotidiens, a progressé pour atteindre 543.000 auditeurs.
Néanmoins, Monsieur Boudet estime qu’il faut doubler l’auditorat, faire des programmes pour atteindre les jeunes, et orienter la programmation du weekend vers les émissions de détente. Il pense à rapprocher France Culture des autres chaînes, en développant les émissions interactives, en diminuant le nombre de dramatiques qui coûtent trop cher, et en augmentant les rediffusions.
En octobre 1996, lors de notre Assemblée Générale, nous remettons le prix de l’AAFC à Francesca Piolot. A cette occasion, Jean-Marie Borzeix nous fait part des modifications de la grille, celles qu’il a dû engager pour répondre aux souhaits de la direction, tout en essayant de préserver la spécificité de France Culture. Cette grille provoquera de multiples remous, dans la presse, chez les producteurs, notamment à la S.P.A.C.E., syndicat des producteurs, auteurs et compositeurs, et évidemment parmi les auditeurs.
L’Association regrette surtout que les émissions soient plus courtes et davantage ancrées sur l’actualité. Hormis les 500.000 auditeurs quotidiens, beaucoup d’entre nous écoutent fidèlement plusieurs fois par semaine des émissions qui ne sont pas liées à l’actualité mais qui concernent la philosophie, la poésie, le théâtre, et l’Association craint que ce soit des auditeurs perdus pour la chaîne.
En 1997, notre nouveau président s’appelle Pascal Delamare et c’est une année qui va être fertile en événements. Suite aux changements de la grille, suite aux propos inquiétants du collaborateur de Monsieur Boyon, l’AAFC décide de riposter. Le 4 février 1997, nous envoyons un communiqué de presse à l’A.F.P., nous élevant contre les projets de suppression de fréquences et contre l’affirmation du coût trop élevé de France Culture. Nous demandons à être reçus directement par Monsieur Boyon. Trois jours plus tard, le 7 février, Monsieur Boyon annonce qu’il commande à Arnaud Ténèze un rapport d’audit sur France Culture. Nous obtenons un rendez-vous et ce dernier nous reçoit le 19 février. La situation est si tendue qu’une grève éclate à Radio-France et à France Culture dès le 25 février, au moment où le personnel sait que le pré-rapport d’Arnaud Ténèze va être rendu à la direction. Ce pré-rapport restera secret, mais les transformations s’accélèrent.
Le 26 mars, Patrice Gélinet est nommé en remplacement de Jean-Marie Borzeix ; il doit entrer en fonction le 1er juillet. Le 27 mars, les personnels de Radio France organisent une conférence de presse. Nous en profitons pour envoyer un communiqué de presse, rendant hommage à Jean-Marie Borzeix pour son action en faveur de France Culture. Le 2 avril, l’AAFC est reçue au cabinet de Monsieur Douste-Blazy, ministre de la culture. Le 10 avril, nous voyons Patrice Gélinet qui dit être attentif à nos remarques. Mi-avril, le rapport Ténèze est remis et lorsque nous le recevons, le 28 mai, il nous semble bien peu engageant, dans sa préconisation d’aligner France Culture sur les autres chaînes.
Il serait un peu long de donner le compte rendu de ces diverses entrevues, mais les unes et les autres se veulent rassurantes. On ne veut pas dénaturer France Culture ; France Culture ne coûte pas trop cher ; la fréquence 93.9 n’est pas visée « dans l’immédiat ». L’AAFC participe au Salon du Livre en 1997 et rencontre de nombreux producteurs qui sont inquiets, eux aussi. Nous poursuivons nos déjeuners-rencontres, notamment avec Claude Mettra et Jean Lebrun.
En septembre 1997, force est de constater que la grille de Patrice Gélinet transforme profondément l’identité de la chaîne. Ces bouleversements connaissent un épisode tragique lorsque Michel Bydlowsky, qui animait « Le Panorama » tous les midis, se suicide dans son bureau. Des accusations envers Patrice Gélinet et Antoine Spire sont proférées à l’antenne. L’Association rend hommage à cette émission, et à son brillant animateur et décide de lancer une nouvelle enquête dès décembre 1997 auprès des auditeurs.
En mai 1998, lors de notre Assemblée Générale, c’est Olivier Villey qui est élu président. Nous dépouillons notre enquête décidée en décembre et celle-ci confirme nos premières impressions : 78% des adhérents pensent que la chaîne a changé en moins bien. Cependant, beaucoup continuent à trouver que France Culture est une chaîne plutôt intéressante (31%) voire très intéressante (47%). L’Association poursuit ses rencontres au Café de Cluny et en région. Nous continuons à tenir une permanence téléphonique, et à mettre en contact les auditeurs avec la chaîne, ainsi qu’avec les producteurs.
Durant l’été 1998, un appel pour la défense de France Culture est lancé par des artistes, des intellectuels, auquel l’AAFC bien évidemment s’associe en multipliant les courriers aux journaux, aux députés, aux pouvoirs publics. L’axe général de ces protestations revient à regretter la diminution sensible des émissions élaborées, au profit du direct, et la dénaturation de l’esprit de France Culture vers la radio d’ambiance.
Patrice Gélinet est remplacé par Laure Adler. Début 1999, Olivier Villey, notre président, et le bureau de l’AAFC rencontrent Laure Adler et son adjoint Olivier Kaeppelin. Le bureau de l’Association leur expose les résultats de nos enquêtes, après avoir effectué un gros travail de comparaison de ces enquêtes avec les statistiques officielles, afin de vérifier leur représentativité. Nous leur faisons part des critiques faites par les auditeurs à la grille de Patrice Gélinet. Nous leur exposons nos souhaits pour que France Culture soit entendue partout dans le monde, sur Internet et surtout qu’elle conserve son ton spécifique.
Laure Adler et Olivier Kaeppelin sont tout à fait d’accord. Ils comprennent nos critiques. Cependant, ils précisent que France Culture doit être la chaîne « de toutes les cultures », « qu’il faut retourner à l’écoute des gens de peu » et « mettre en miroir les sensibilités universitaires et populaires. » La nouvelle direction veut écouter les auditeurs et propose à l’Association de participer à l’attribution du Prix France Culture décerné à un livre.
Jean-Marie Cavada, le nouveau président de Radio France, s’exprime dans le même sens dans Télérama en février 1999 : « France Culture doit expliquer, témoigner, proposer des solutions aux problèmes de société et ne pas se contenter de la culture dominante défendue par un petit nombre de gens repliés sur eux-mêmes. » Et il précise que l’accord avec Laure Adler s’est fait sur ces principes.
Dès lors, la contestation va s’amplifier. En adoptant une position pseudo gauchiste, appuyée sur des termes comme « culture dominante » et « gens de peu », et en fustigeant la culture d’un « petit nombre », la direction croit racoler à la fois une frange ultra libérale qui veut rentabiliser le service public, et une frange ultra gauche qui combattrait la culture bourgeoise. Elle va se mettre à dos tous ceux, de droite comme de gauche, qui souhaitent un accès gratuit à la culture, qui privilégient le savoir plutôt que le point de vue économique ou idéologique, pour fournir clefs en main de soi-disant solutions aux « problèmes de société ». La suite va le révéler.
IV - DES MENACES MISES A EXECUTION 1999 - 2003
C’est en avril 1997 que nous avons reçu le rapport d’Arnaud Tenèze sur France Culture, dont les préconisations allaient à l’encontre de la particularité culturelle de la chaîne. Et c’est en février 1999 que Jean-Marie Cavada, nouveau président de Radio France, affirmait dans Télérama : « France Culture doit expliquer, témoigner, proposer des solutions aux problèmes de société et ne pas se contenter de la culture dominante défendue par un petit nombre de gens repliés sur eux-mêmes. » J’avais noté dans le précédent épisode, la mauvaise impression que nous avait faite cette formulation à la fois d’inspiration libérale : Supprimons les dépenses qui ne rapportent rien et investissons dans les entreprises qui font du profit (aujourd’hui, cela se dit : qui ont un modèle économique), mâtiné d’un vocabulaire stalino-gauchiste : les gens de peu se moquent bien de la culture des élites. Nous pensions que, riches ou moins riches, de droite ou de gauche, nous avions envie d’entendre parler ceux qui savent de quoi ils parlent, savants, professeurs, artistes, plutôt que des communicants qui ne connaissent que l’augmentation des parts de marché.
Dès juin 1999, nous invitons Laure Adler à une journée d’études ; nommée depuis septembre 1998, elle a remplacé Patrice Gélinet après seulement une année de fonction, mais fait fonctionner la grille de son prédécesseur. Nous pensions prévenir ainsi de nouvelles dérives. Des producteurs, dont Arnaud Laporte, y participent et beaucoup d’adhérents témoignent avec enthousiasme de ce qu’ils aiment et attendent de la chaîne. La réunion semble très fructueuse.
Las ! Les auditeurs sont d’autant plus consternés par la nouvelle grille de septembre 1999 que Laure Adler semblait les avoir entendus. Le courrier afflue à l’association et le personnel de France Culture se met en grève. En septembre 1999 circule une pétition émanant d’un comité de Résistance des Artistes pour Radio France, qui lance un appel pour la défense de la création dramatique radiophonique à France Culture. Cet appel recueille un nombre important de signatures, parmi lesquelles celles de Claude Piéplu, Francine Bergé, Jean-Pierre Cassel et de nombre d’artistes connus ou moins connus que nous entendons sur France Culture. Rappelons que France Culture est le premier employeur de comédiens en France.
Le 21 octobre 1999, l’association est reçue par Laure Adler qui fait état de contraintes et de la nécessité de modifier une grille immuable depuis vingt ans. On lui fait remarquer qu’elle n’arrête pas de changer. Elle promet des réaménagements en janvier. L’association continue donc à faire plus que jamais le lien avec les auditeurs en publiant leurs courriers de protestation dans son bulletin. Les rencontres au Café de Cluny se poursuivent, où les auditeurs mécontents peuvent échanger. Un article critique est publié dans Le Monde par Henry Faÿ sous le titre « Halte à la banalisation » en novembre 1999.
Mais les débats sont houleux lors de l’AG de novembre 1999, car la déception est grande. Nos adhérents se sentent trahis par la direction de la chaîne qui semblait abonder dans leur sens, et ils se demandent à quoi sert notre association, si elle n’est pas capable de peser sur le pouvoir. Des divergences se font jour, qui ne portent pas sur ce que nous attendons de France Culture mais sur les actions à mener pour faire reculer la direction. Certains trouvent que l’association se contente des bonnes paroles qui viennent d’en-haut et qu’elle devrait passer à des actions plus offensives, manifestations, pétitions, tracts, interpellations. D’autres refusent d’avoir l’air d’affronter directement les décisions de France Culture.
Le 14 décembre 1999 a lieu en direct dans l’émission de Jean Lebrun « Pot au feu », une confrontation très vive entre des auditeurs et Laure Adler, qui se défend bien mal, sinon en se posant en victime.
Des auditeurs révoltés, parmi lesquels certains de nos adhérents, créent une nouvelle association : le Rassemblement des Auditeurs Contre la Casse de France Culture (RACCFC), animée par Antoine Lubrina, instituteur en prison, et à laquelle participent des intellectuels tels que le philosophe Charles Alunni et les sociologues Serge Halimi et Patrick Champagne. Ce mouvement organise des manifestations à l’occasion d’émissions en public de France Culture, par exemple au Théâtre de l’Odéon, ce qui effraie France Culture qui annule une émission, et nombre de nos adhérents qui souhaitent se dissocier du RACCFC. Nombre d’autres, découragés, quittent l’Aafc.
En janvier 2000, le réajustement de la grille a bien lieu mais il est jugé très insuffisant par les auditeurs qui nous contactent. Aux heures de grande écoute ils déplorent une prolifération des interventions promotionnelles, ainsi qu’un manque de recul face à l’actualité.
L’Aafc, qui s’était dotée d’un site internet, le réhabilite pour répondre plus efficacement aux demandes des auditeurs, notamment en leur expliquant la marche à suivre pour réécouter les émissions, ce qui à l’époque était possible mais compliqué.
En avril 2000, l’Aafc rencontre à nouveau Laure Adler. Olivier Villey, notre président d’alors, Henry Faÿ, notre président actuel, et Philippe Attey sont écoutés attentivement par la directrice qui abonde dans le sens des critiques des auditeurs. Par souci démocratique, honnêteté intellectuelle, et pour convaincre la direction nous lançons une quatrième enquête en mai 2000.
En décembre 2000, le RACCFC organise une manifestation, place du Palais-Royal, pour aller porter une pétition de plus de 2500 signatures au Ministère de la Culture. Beaucoup de producteurs et certains de nos adhérents y participent. Sur ses tracts, le RACCFC appelle les auditeurs à rejoindre les associations d’auditeurs, dont la nôtre, mais il est également soutenu par des associations telles que l’ACRIMED (Action Critique Média) ou Délit d’Initiés que d’aucuns trouvent trop à gauche. Ils loueront également un stand à la Fête de l’Humanité en 2002 et 2003, manifesteront au Festival d’Avignon et inonderont les pouvoirs publics de lettres de protestation. Cette activité intense réjouit certains et en affole d’autres.
Début 2001, Olivier Villey ne se représente pas et c’est Georges Madar qui est élu président. La Semaine de Radio France, que nous avions obtenue en 1995 après l’avoir réclamée dès les débuts de notre association en 1983, disparaît. Les réunions d’auditeurs ont lieu au Horse’s Tavern, à Paris. Le RACCFC, lui, continue son action par des bulletins, tracts, meetings, et se réunit au Sorbon. L’Aafc modifie ses statuts pour permettre un vote par correspondance. Le 7 mars 2001, le RACCFC organise un débat à la Bourse du Travail, avec des intellectuels et des représentants des syndicats de France Culture. Y interviennent des comédiens que nous entendons régulièrement sur la chaîne, comme Laurent Lederer, et des intellectuels travaillant sur les médias, des professionnels de la culture qui décrivent la déstructuration du service public, par exemple dans les sociétés de production audiovisuelles, la SFP notamment. Ce débat réunit des centaines de participants.
Le 13 juin 2001, l’Aafc est reçue par Laure Adler. Nous nous concentrons sur les problèmes les plus urgents. Echaudés par les manipulations de la direction, nous attendons d’avoir des arguments massue sur le fond avec notre enquête et nous réclamons d’abord le rétablissement de la revue qui annonçait les programmes de France Culture et le règlement des problèmes de réception. La direction agrée à propos de la revue et nous fait exposer les difficiles problèmes d’émetteurs par des techniciens. Nous espérons donc et reportons la discussion de nos arguments de fond à notre prochaine entrevue avec Clarisse Dollfus, chargée des relations avec les auditeurs, pour lui faire part des résultats de notre enquête qui a demandé un gros travail à nos adhérents et à laquelle des statisticiens professionnels ont collaboré.
Les résultats sont clairs : les auditeurs souhaitent entendre ce qu’ils n’entendent pas sur les autres chaînes et plutôt des émissions qui approfondissent un sujet que celles jouant au patchwork pseudo culturel.
Septembre 2001. La grille est un peu modifiée et Laure Adler s’adjoint Laurence Bloch comme directrice des programmes. Cette nomination suscite des espérances car Laurence Bloch a été l’adjointe de Jean-Marie Borzeix. Mais les discussions vont bon train à l’Aafc. Certains souhaitent que l’association exige de participer à l’élaboration de la grille, d’autres pensent que ce n’est que de la poudre aux yeux et que la dérive risque d’être encore plus insidieuse. Olivier Villey, ancien président, fait remarquer que plus la chaîne s’adjoint des journalistes comme intervenants et des journaux ou hebdomadaires comme partenaires, moins nous pourrons nous manifester dans les médias. Nous comptons toujours sur nos enquêtes pour nous faire écouter si ce n’est de la direction, du moins des hommes politiques.
A propos du RACCFC, on déplore ses manifestations folkloriques (défilés pancartes) mais on envie sa capacité à mobiliser des intellectuels dont l’analyse nous semble juste, comme Patrick Champagne. D’autres encore pensent qu’il ne faut pas se rapprocher des syndicats de Radio France comme le fait le RACCFC mais essayer de regagner la confiance de la direction. C’est la position, notamment, de Charles Genet qui va être élu président en février 2002.
En 2002, sous l’impulsion de Charles Genet et de Benoît Beyer de Ryke, auditeur belge, nous nous mobilisons contre la suppression d’une fréquence qui permettait aux auditeurs belges d’entendre France Culture. Une pétition recueille beaucoup de signatures en Belgique. L’Aafc est reçue par Laure Adler et Jean-Marie Cavada qui soutiennent tout à fait notre action. La pétition est soumise aux autorités belges, mais la fréquence sera finalement supprimée.
A partir de février 2002, la décision a été prise par la chaîne de compresser le son plutôt que de construire de nouveaux émetteurs. Les appareils à compresser coûtent cher, mais ils permettent d’émettre pus loin en augmentant la puissance. Le prix à payer est la diminution du relief acoustique. Le beau son de France Culture désormais a vécu, et Michel Chion, le grand spécialiste universitaire du son, le déplore publiquement lors d’une émission en public de Jean Lebrun.
En septembre 2002, la grille est de nouveau remaniée et Médiamétrie affirme que l’audience s’améliore, bien que celle-ci reste dans la limite de la marge d’erreur. L’association, qui adopte une ligne de conciliation, demande à Radio France et à l’INA de mettre à la disposition du public les archives de France Culture. A l’époque, on ne pouvait pas encore les télécharger. L’association travaille à une nouvelle enquête !
Donc, en 2003, nous dépouillons notre énième enquête et reprenons nos déjeuners-rencontres un temps suspendus. En juin, nous rencontrons avec plaisir Les Décraqués, dont le regretté Bertrand Jérôme. Et notre enquête constate les mêmes regrets que précédemment :
Diminution de la diversité de sujets et de celle des formes.
Abandon du patrimoine sonore.
Diminution de la création.
Morcellement de l’émission du matin.
Injonction à consommer des produits culturels.
C’est en 2003 que Médiamétrie publie 680.000 auditeurs quotidiens de France Culture, ce qui semble en augmentation, mais le mode de calcul a changé, ce qui ne permet pas la comparaison.
Est-ce toujours « notre » France Culture ? Oui, bien sûr, mais pas vraiment non plus. Dès lors, une nouvelle ère s’annonce où l’on va nous faire endosser le rôle de nostalgiques puisque nous semblons avoir abandonné celui de combattants.
V - LE TEMPS DE LA RESISTANCE 2003- 2007
Depuis 2002 Charles Genet est notre président et Laure Adler est toujours présidente de France Culture. Charles Genet croit à la possibilité pour l’association de représenter une médiation entre la chaîne et la masse des auditeurs. Il mise pour cela sur de nouvelles enquêtes et donc de nouveaux questionnaires. Les résultats de ces nouvelles enquêtes sont à la fois très clairs et ambigus. Ambigus puisque autant d’adhérents dénoncent un « politiquement correct » de droite qu’un « politiquement correct » de gauche. Mais les critiques sont claires car tous déplorent la suppression d’émissions phares telles que « Le Panorama », « Le Bon Plaisir », « Le Pays d’Ici ». L’idée générale est que trop d’émissions qui les remplacent se centrent sur l’actualité au sujet de laquelle les intervenants n’ont pas le recul suffisant. Les critiques professionnels sont écartés au profit d’interviews d’auteurs qui viennent vendre leur produit. Les professionnels de la radio spécialisés dans tel ou tel domaine culturel sont alors remplacés par des journalistes polyvalents. Ce qu’on dénonce unanimement, c’est une pseudo neutralité informative qui, sous couvert de traquer la subjectivité, fait passer pour évidente et fondée une opinion majoritaire.
Beaucoup d’auditeurs écoutent moins et émigrent vers des radios libres spécialisées confessionnellement ou idéologiquement. Si l’audience augmente un peu (1,1% au 1er trimestre 2002) il semble que cela soit en attirant un public consensuel qui écoute moins souvent. Finalement, au lieu de dénicher des talents et d’innover, de faire la culture, France Culture se contente de plus en plus d’être un simple reflet d’une culture qui se fabrique ailleurs avec des critères commerciaux.
A Radio France, on cherche à capter les auditeurs jeunes avec « Le Mouv » et « Oui FM » mais bientôt on va supprimer les contes pour enfants des « Histoires du Pince-Oreille » sur France Culture.
En septembre 2002, la grille est à nouveau remaniée et l’injonction de Laure Adler de faire les émissions en direct aboutit à la suppression totale des émissions travaillées, puisque, jusqu’à aujourd’hui en 2013, nous n’avons plus que du « faux direct » : émissions enregistrées en durée réelle mais à l’avance. Seuls les feuilletons restent réalisés de manière construite. L’émission du matin, avec ses multiples interventions de chroniqueurs, invités, le rétrécissement des « Enjeux Internationaux », donne le tournis à nombre d’entre nous. Henry Faÿ ne se console pas de la disparition des « Chemins de la Connaissance ». Pendant ce temps, mystérieusement, miraculeusement, l’audience augmente.
L’association constitue un dossier sur les modifications des grilles depuis 1980, et remarque que les émissions sont devenues suppressibles à grande vitesse ces dernières années, et que le discours promotionnel augmente, au mépris de l’Article 40 du cahier des charges qui stipule « Est interdit tout échange de services à caractère publicitaire ». Les producteurs sont de plus en plus sur la sellette, craignant à chaque rentrée de se voir supprimer leur émission.
En juin 2003, nous rencontrons « Les Décraqués », l’équipe de Bertrand Jérôme et Françoise Treussard, avec une quarantaine d’adhérents, pour partager le traditionnel déjeuner que nous avions interrompu ces dernières années. Ils nous récitent des textes, nous racontent leurs méthodes de fabrication. Ils s’enferment deux demi journées de 4 heures avec un thème et doivent plancher. Toutes les demi heures, on ramasse et on enregistre. Puis les émissions sont construites. A l’époque, on les entend tous les jours à 13 heures 30 et le dimanche.
A la rentrée 2003, c’est surtout la forme et le fond de l’émission du matin, de 7 heures à 9 heures, qui suscite l’ire de nos adhérents. Nous écrivons à Télérama pour regretter les éloges que le magazine adresse à cette tranche horaire dans le numéro 2775 du 19 mars 2003. Jean-Luc Dupuy-Chassagne, vice-président de l’aafc, fait remarquer que la grille de rentrée présente 13 émissions nouvelles, 8 émissions déplacées, 5 supprimées et que beaucoup d’autres ont une durée réduite. Cette tranche horaire, dont Télérama vante les qualités, est particulièrement « saucissonnée ».
Durant l’hiver 2003, nous sommes alertés par nombre de producteurs de fiction à France Culture. Ils s’inquiètent de leur diminution drastique. Les fictions radiophoniques ont été supprimées en Belgique et en Suisse et les réalisateurs français craignent de subir le même sort. En septembre, lors du festival des radiophonies, puis lors d’une soirée d’écoute de fictions à la SCAM, en octobre au cours d’une réunion de la Société des Auteurs, des débats ont lieu entre les réalisateurs, dont Jean Larriaga et Claude Guerre, et les responsables des fictions à France Inter et à France Culture dont Bernard Comment.
Pour respecter leur cahier des charges, les radios comptent dans la fiction de simples lectures de textes par un comédien. Les arguments des responsables sont que le public ne veut plus écouter d’émissions aussi longues, il ne s’intéresse plus, ce public, qu’à ce qui le concerne quotidiennement. On recommande donc aux producteurs et écrivains de se centrer sur la réécriture de faits divers : le « docu-fiction ». Les producteurs ont beau avancer que de longs feuilletons ont eu beaucoup de succès sur France Inter, rien n’y fait. On ne parle pas du coût mais il intervient sans doute, et on essaye de nous clouer le bec en mettant en avant la nécessité d’éduquer le public en lui donnant des leçons utiles sous forme de scénettes accessibles.
Nous sommes toujours dans la révolution permanente avec une accélération des rediffusions. On ne sait plus sur quel pied danser, sans doute cherche-t-on à faire des économies mais aussi à populariser la radio pour accroître son audience, le critère politique étant le ratio du coût par auditeur.
Début 2004, notre Conseil d’administration est renouvelé et Danièle Tisserand est élue présidente. Le bureau réaffirme les objectifs de notre association : faire en sorte que France Culture donne accès à des secteurs de la connaissance négligés par d’autres chaînes. Par ailleurs, à la suite de l’émotion suscitée par la suppression des chroniques de Miguel Benassayag après celle d’Eric Dupin, sans prendre parti pour ou contre, nous écrivons au Médiateur pour savoir quel est exactement le cahier des charges de ces chroniques plus ou moins libres, insérées dans l’émission de Nicolas Demorand. Nous ne recevons aucune réponse.
Nous faisons paraître dans notre premier numéro de 2004 un entretien avec Roger Dadoun que nous entendions si souvent au Panorama. Il regrette la course à l’audience, déplore la mise sur la touche des producteurs spécialisés et revient sur le suicide de Michel Bydlowski qui s’est jeté par la fenêtre du studio 106 le 21 février 1998.
En septembre 2004, la nouvelle grille allège quelque peu l’émission du matin, mais les rediffusions prolifèrent et l’actualité domine avec des semaines thématiques. A l’arrivée de Jean-Paul Cluzel à Radio France, nous lui avions rappelé ce qui nous attachait à France Culture, dans la mesure où des rumeurs alarmantes circulaient sur une probable fusion de France Culture et France Musique. Cette fois-ci, on nous répondit en nous assurant que la grille de septembre 2004 correspondrait mieux à nos attentes. Peut-être avons-nous pu éviter le pire.
Néanmoins, une polémique s’instaure avec Laure Adler qui déclare dans Le Monde Télévision : « La culture ce n’est plus le patrimoine mais l’interrogation sur soi. » En qualité de présidente de l’aafc, j’écris au Monde pour critiquer cette vision de la culture, en rappelant que d’être collé à l’actualité événementielle ne garantissait pas le niveau culturel de la chaîne. Mais Laure Adler répond rageusement qu’il s’agit d’approfondir l’actualité et de mettre la culture au service de tous. Nous sommes toujours dans les mêmes débats. Laure Adler veut une radio comme les autres, faite en direct, parlant sans cesse de l’actualité, mais avec sa spécificité culturelle. Cela ressemble au « latin sans peine » ou au « violon en 5 leçons. » Henry Faÿ le leur fait savoir dans une très longue lettre ouverte, dans laquelle il répond point par point à son interview.
Nous fêtons les 20 ans de l’aafc le 28 novembre 2004 à Paris autour d’un buffet, en présence notamment de François Chaslin, Francesca Piolot et Jean Lebrun. C’est l’occasion de rappeler nos combats et de déplorer trop de modifications, dont la suppression des « Décraqués » contre laquelle nous avons mobilisé l’été précédent quantité de signatures.
En 2005, Catherine Poughon est élue présidente de l’aafc. Le nouveau bureau demande un rendez-vous à la direction de France Culture. Laure Adler, Laurence Bloch et Clarine Dollfus reçoivent Jean-Claude Motron et Françoise Legré-Zaidline. Tout va très bien, le réseau internet ne risque pas de supprimer France Culture mais va au contraire amplifier sa diffusion. Laure Adler annonce son départ de plein gré.
En effet, dès la fin de l’année, David Kessler prend sa place et notre bureau souhaite le rencontrer au plus tôt. Catherine Poughon étant tombée gravement malade, c’est Jean-Claude Motron, Fulbert Mignot et Françoise Legré-Zaidline qui sont reçus par David Kessler le 8 novembre 2005. Il répond aux critiques et suggestions en faisant remarquer qu’il ne peut pas tout bouleverser et qu’il doit contrôler les coûts. Les systèmes d’enregistrement sur ordinateur se mettent en place avec beaucoup de difficulté et Fulbert Mignot donne ne nombreux conseils à nos adhérents.
Nous nous réunissons pour déjeuner le 19 novembre 2005 avec Francesca Piolot et François Chaslin, la philosophie et l’architecture, qui nous relatent gentiment à la fois leurs bonheurs d’émission et leurs très difficiles conditions de travail, avec des crédit mesquinement mesurés.
Lors de l’Assemblée générale du 21 janvier 2006, Jacqueline Charliac redevient présidente. Elle souhaite que l’association soit moins batailleuse et plus courtoise avec la direction de la chaîne. Elle recommande aux adhérents de se retrouver lors des émissions publiques, celle de Jean Lebrun au Café El Sour à Paris, boulevard Saint-Germain, et celle de François Chaslin le vendredi au Centre Pompidou. En attendant, le 17 juin 2006, l’association invite ses adhérents à déjeuner avec Emmanuel Laurentin qui détaille le fonctionnement de son émission. Un nouveau déjeuner réunit le 18 novembre 2006 Clarine Dollfuss, responsable de la Communication à France Culture, et Pierre Chevalier, responsable de « Sur les Docks », l’émission quotidienne de documentaire qui n’a encore que trois mois d’ancienneté. Pierre Chevalier souhaite orienter son émission sur « le quotidien des gens. »
Le quotidien de l’aafc va-t-il se limiter aux conseils à l’enregistrement et aux déjeuners conviviaux ?
VI - LE DECOURAGEMENT 2007 – 2009
En février 2007 l’assemblée générale de l’Aafc remarque les dérives récurrentes de France Culture. L’orientation des émissions vers le commentaire de l’actualité est aggravée par la participation de plus en plus importante des journaux tels Le Monde. On apprécie que subsistent des émissions travaillées comme Une Vie une œuvre et les Affinités électives, ou suivies comme A Voix nue. Les émissions de fond de l’après-midi comme Continent sciences ou Planète terre sont appréciées. On a aimé la grille d’été et les nouveaux auditeurs restent enchantés par l’absence de publicité. Lors de cette assemblée générale nous prenons position pour Antoine Lubrina qui, au sein du RACCFC (Rassemblement des Auditeurs contre la casse de France Culture), avait défendu France Culture contre le projet de Laure Adler. Je demande à l’assemblée de le soutenir dans le procès que Laure Adler lui intente. En effet, dans le bulletin du RACCFC est parue une caricature de Laure Adler que d’aucuns ont trouvée de mauvais goût car elle brandissait une pancarte portant le titre du livre de Gilles Châtelet « Vie et penser comme des porcs ». Le sens de ce dessin clairement contre le projet de Laure Adler pour France Culture pouvait paraître bizarre puisque le livre de Gilles Chatelet dénonçait la dérive libéralo-consumériste de notre société. Enfin, toujours eset-il qu’elle y était vêtue vulgairement et qu’on pouvait comprendre qu’elle souhaitait penser comme une truie ! En conséquence, elle a intenté un procès à Lubrina en mai 2007 (cf N° 48).
Nous adoptons une résolution dans laquelle nous déclarons soutenir Antoine Lubrina, adhérent de l’Aafc, au nom de la liberté d’expression. Il sera condamné, fera appel mais Laure Adler retirera sa plainte.
Un nouveau bureau est élu avec pour président Fulbert Mignot.
Le 16 juin 2007, nous rencontrons à déjeuner Renée Elkaïm Bolinger qui, à l’époque, produisait l’émission De Bouche à oreille le dimanche à 12 heures, cherchant à parler nourriture entre ethnologie et littérature.
David Kessler, qui préside dorénavant France Culture, donne un entretien au Point le 25 mai 2007 au cours duquel il se félicite de l’augmentation de l’audience, 818 000 auditeurs (ce qui reste malgré tout dans la marge d’erreur des sondages). Il annonce ses axes de travail : « améliorer la lisibilité » de la grille, c’est à dire créer des rendez-vous réguliers, chaque jour la même émission à la même heure. Il précise le coût de France Culture : 13 millions d’Euros par an, dont 4 millions pour la fiction. C’est à dire 8 500 à 9 000 « services » de comédiens par an (un service, c’est 4 heures de travail d’un comédien, donc, si je calcule bien, cela fait à peu près 100 Euros de l’heure, mais pour combien de comédiens ?).
Cela dit, ce chiffre « ne comprend pas la partie de nos dépenses (notamment les salaires des permanents) qui est prise en charge par le budget global de Radio France. » Ce qui explique la difficulté d’évaluer le coût réel de France Culture, les journalistes (en nombre croissant) étant payés par Radio France. Les auditeurs apprécient certaines émissions nouvelles et la disparition des musiques de liaison agressives, ils se demandent néanmoins jusqu’où la place accordée à l’actualité politique va empiéter sur des sujets moins immédiatement idéologiques tels que l’art, la littérature, la poésie.
En novembre, l’Aafc déjeuner avec Sylvie Andreu alors productrice de l’émission Vivre sa ville et qui auparavant animait Le Pays d’ici, émission quotidienne longtemps appréciée des auditeurs. Pour Sylvie Andreu, la difficulté vient de traiter en une heure une ville qu’on analysait dans Le Pays d’ici en plusieurs heures étirées sur une semaine.
Le 26 novembre 2007 l’Aafc rencontre à nouveau David Kessler accompagné de Laurence Bloch et Pierre Chevalier. Un gros travail avait été fourni par les membres du bureau de notre association, Jean-Claude Motron, Dominique Chassaing, Fulbert Mignot, Régine Vitte, Françoise Legré-Zaidline qui avaient chacun analysé un type d’émission. David Kessler répond aux critiques des auditeurs sur l’émission du matin. Il faut que cette émission, la plus écoutée de la chaîne, soit une « horloge » et que l’invité ait un rapport avec l’actualité. Il semble vouloir affirmer sa ligne de normalisation de la grille. Le 2 février 2008 notre assemblée générale élit Valérie Lotti président de l’Aafc. Le 14 juin, le déjeuner de l’Aafc accueille Ruth Stégassy qui, après avoir travaillé dans beaucoup d’émissions de France Culture, ce qu’elle a particulièrement apprécié, produit Terre à terre depuis 1999. A l’époque un enregistrement public avait lieu tous les premiers jeudis du mois au bar-restaurant bio « Le Phyto Bar ». Comme nous pouvons l’entendre le samedi matin, elle s’est depuis passionnée pour les questions environnementales.
En octobre 2008, c’est la dernière grille orientée par David Kessler puisqu’il va être remplacé par Bruno Pattino. On a beau jeu de traiter les auditeurs de France Culture, et notamment ceux de l’Aafc, de passéistes ou nostalgiques alors que la valse des directeurs et surtout des émissions est incessante depuis 1999.
Un auditeur nous écrit que France Culture devient « une radio généraliste à fort contenu journalistiques et à vague prétention culturelle avec portraits de personnalités de la vie culturelle et promotion des produits. » Il remarque que les auditeurs qui cherchent une véritable radio culturelle fuient la station et que l’Aafc ne relaie pas leur point de vue. La nouvelle grille lui donne raison, avec des émissions toujours plus courtes ou plus axées sur l’actualité. Le Rendez-vous de Laurent Goumarre, le Choix des livres, Zone de libre échange, A Quoi pendez-vous ? Le 29 novembre 2008, nous déjeunons avec Jean Lebrun qui vient de quitter le micro pour être nommé « conseiller de programme aux magazines. » Il s’inquiète de l’homogénéité des jeunes recrues de la radio, à qui les anciens à juste titre laissent leur place mais n’ont pas eu le temps de transmettre leur expérience. Il reconnaît que France Culture a raison de vouloir s’ouvrir davantage au classes populaires quoique la définition de leurs goûts ne soit pas aisée. Il approuve également le virage du numérique qu’entreprend Bruno Pattino. Mais il se demande si la solution ne serait pas de « libérer » France Culture de son inféodation aux autorités de tutelle : le ministère de la Culture à qui elle cherche peut-être trop à plaire.
Nous aussi, à l’Aafc, nous interrogeons sur notre orientation. Des renouvellements trop importants du conseil d’administration entravent la continuité du travail. La direction de France Culture semble compter davantage sur les remarques directes des auditeurs via internet que sur les avis de notre association. Une motion de Jacqueline Charliac et Gilbert Moreux fait état des interrogations de nombreux membres de l’Aafc. Ceux qui se veulent plus combattifs quittent l’association, et ceux qui se contentent de ce qu’on leur donne encore aimeraient se retrouver dans un club « d’amis » de la chaîne. Ils espèrent ainsi faire remonter le nombre de nos adhérents aux milliers qu’elle a comptés lors de sa création en 1984.
Faut-il faire disparaître l’Aafc dont beaucoup trouvent qu’elle n’est ni assez combative ni assez amicale ?