La Fabrique de l’histoire d’Emmanuel Laurentin a longuement évoqué en octobre l’exposition de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne dans la Somme. Ce bâtiment moderne enclavé dans les tours médiévales qui virent jadis Louis XI et Charles le Téméraire avait depuis le 25 juin une présentation temporaire sur la vision du conflit 1914-1918 par l’Allemagne. Poèmes, dessins à la plume ou au fusain,
lithographies suivaient l’évolution depuis le départ, fleur au fusil, pour une guerre rapide, puis l’horreur des combats, les tranchées, les blessures et en novembre 18 le retour des amputés, des aveugles dans un pays ruiné, assommé par les clauses du traité de Versailles. Quelques espoirs pour un « printemps des nations », les œuvres fortes d’Otto Dix, Ernst Barlach, Käthe Kollwitz, Else Lasker-Schüler, Otto Pankok...
bénéficiaient d’un commentaire des plus pertinent par l’audio-guide, gratuit ainsi que l’exposition.
Parallèlement, une équipe accompagnée du photographe Jean Richardot a traversé les champs de bataille pendant plusieurs mois, retrouvant des vestiges de goupilles, des tombes personnelles que la famille proche du front réussissait à inhumer et à marquer modestement, une pierre dressée, artistement sculptée pour un soldat allemand par un ami qui ne lui a pas forcément survécu, une stèle en pleine forêt à Barneval pour une division de zouaves, tout cela rappelé dans un livre, Cicatrices, ainsi qu’un éclairage nouveau sur quelques monuments aux morts des villages de la région. Quarante sept classes d’école primaire de la Somme et un collège ont élaboré dans l’esprit du Land Art des objets accrochés sur les murs de l’Historial, des installations dans les espaces environnants comprenant aussi des coquelicots de
feutre écarlate, emblème des soldats britanniques. Un premier poème né en 1914 célébrait ces fleurs poussées au milieu des ruines et des éclats d’obus dans une terre fraîchement retournée pour une macabre besogne. Un travail pédagogique exemplaire.